La commission électorale serbe a confirmé lundi soir la victoire du camp du président Aleksandar Vucic à l’issue d’un scrutin législatif entaché par des “achats de voix” et “bourrages d’urnes”, selon les observateurs internationaux.
C’est un scrutin qui éloigne un peu plus la Serbie d’une potentielle adhésion à l’Union européenne. Le parti présidentiel a remporté les élections législatives, a annoncé la commission électorale lundi 19 décembre, mais cette victoire est entachée d’irrégularités constatées par des observateurs internationaux et qualifiées d'”inacceptables” par l’Allemagne.
Quelques heures auparavant un rapport sévère d’observateurs internationaux avait dénoncé un scrutin marqué par des “achats de voix” et des “bourrages d’urnes”.
“La Serbie a voté, mais l’OSCE a signalé des cas d’utilisation frauduleuse de fonds publics, d’intimidation d’électeurs et d’achats de voix”, a dénoncé le ministère allemand des Affaires étrangères. “C’est inacceptable pour un pays qui a le statut de candidat à l’UE”, a-t-il fait valoir.
Les “résultats préliminaires” de la commission électorale, donnent le SNS (droite nationaliste) majoritaire avec 46,7 % des voix. L’opposition unie sous la bannière “La Serbie contre la violence” a quant à elle remporté 23,5 % des voix, selon ces résultats qui ne seront définitifs que dans quelques jours, une fois le délai de recours écoulé.
À Belgrade, la commission locale donne le SNS gagnant avec 44,5 %, suivi du SPN avec 38,18 %.
Soupçons d’une fraude massive à Belgrade
Mais ces résultats sont contestés. L’opposition dénonce des fraudes dans la capitale, et plusieurs milliers de manifestants se sont réunis lundi soir devant la commission électorale pour demander une annulation du scrutin municipal. Il ne restait en soirée que quelques centaines de personnes, notamment des étudiants.
“C’était un vol. Je suis dégoûtée, c’est quelque chose qui est répétitif. Je suis simplement écœurée. Je veux que ça change”, explique Ana Mirkovic, 37 ans, venue protester devant l’immeuble de la commission électorale.
Les élections législatives de dimanche étaient couplées en certains endroits avec des scrutins locaux. C’était notamment le cas à Belgrade, où vivent 1,5 million de personnes, près d’un quart de la population du pays. Le SNS y a revendiqué la majorité avec 38,5 % des voix, soit 23 000 de plus que l’opposition.
Mais selon la coalition d’opposition “Serbie contre la violence” (SPN), “plus de 40 000 personnes” ont voté dans la capitale sans en être résidents, transportées par bus depuis la Republika Srpska, l’entité serbe en Bosnie voisine.
Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux dimanche disaient montrer l’arrivée d’électeurs dans l’un des stades de la ville, où il leur était indiqué dans quels quartiers ils devaient aller voter.
“Les élections ont été volées par l’acheminement massif d’électeurs à Belgrade” dénonçait dans la manifestation Aleksa Madzarevic, étudiant de 20 ans. “Ce ne sont simplement pas les gens qui vivent à Belgrade, et le pouvoir modifie de cette façon notre volonté électorale, la volonté électorale des Belgradois”.
Omniprésence du président dans les médias
Les allégations de fraudes ont été confirmées par un rapport préliminaire de la mission internationale d’observation (OSCE, Parlement européen et Conseil de l’Europe).
Les observateurs ont décrit un scrutin “marqué par des cas isolés de violence, des irrégularités de procédure et de fréquentes allégations d’organisation et de transport d’électeurs pour soutenir le parti au pouvoir lors des élections locales”, ainsi que “des achats de voix et des bourrages d’urnes”.
“L’opinion de l’OSCE est la même que celle de la foule réunie ici”, a déclaré devant les manifestants Dragan Djilas, l’un des chefs de file de la coalition d’opposition “Serbie contre la violence”. “Nous demandons que les élections soient annulées, que les registres électoraux soient nettoyés [des faux électeurs], et nous espérons que nous allons y parvenir par des moyens pacifiques.”
Deux autres leaders de la coalition, Marinika Tepic et Miroslav Aleksic, vont entamer une grève de la faim, a-t-il ajouté.
Née dans le sillage des larges manifestations qui ont secoué le pays en mai, après la mort de 19 personnes dans deux fusillades – dont une dans une école primaire – la coalition n’a eu de cesse de dénoncer une campagne biaisée.
La campagne a été entachée par “une rhétorique violente, des médias biaisés, des pressions sur les employés du secteur public et une utilisation abusive des ressources publiques”, le tout sur fond “d’implication décisive du président”, Aleksandar Vucic, offrant à son parti “un avantage indu”, selon les observateurs.
L’omniprésence du président dans les médias a “eu un impact sur la possibilité pour les électeurs de faire un choix éclairé”.
La campagne électorale a principalement tourné autour de l’économie, dans l’un des pays les plus pauvres du continent européen, qui a vu l’inflation atteindre 16 % au printemps avant de décroître aux alentours de 8 % en novembre. Et Aleksandar Vucic a promis un salaire minimum de 1 400 euros d’ici 2027, contre 590 euros en novembre.
Sa réussite à maintenir habilement des liens entre l’Est et l’Ouest sont aussi appréciés de ses électeurs.
Lundi, le Kremlin s’est pour sa part “félicité” de la victoire du camp Vucic, et les États-Unis ont déclaré vouloir coopérer avec la Serbie pour “renforcer” la démocratie – tout en s’abstenant de commenter les allégations d’irrégularités électorales.
Avec AFP/France 24