AGNU 77 : le dirigeant nigérian prononce un oral d’adieu
Envoyé spécial: Timothy Choji depuis New York
Le président Muhammadu Buhari a promis de mettre en place un processus d’élections libres, équitables, transparentes et crédibles permettant aux Nigérians d’élire les dirigeants de leur choix.
Dans son discours d’adieu à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU77) en tant que président, il a déclaré à la 77e session que l’année prochaine, un nouveau visage parlerait pour le Nigeria depuis le podium de la salle de l’Assemblée.
Le président a profité de son discours pour réitérer avec force son engagement en faveur de la limitation constitutionnelle des mandats et les efforts du Nigeria pour promouvoir l’État de droit et la démocratie en Afrique de l’Ouest, citant le soutien apporté par le pays à la Gambie, à la Guinée-Bissau et au Tchad dans leur impasse politique.
Il a réitéré : “Nous croyons au caractère sacré de la limitation constitutionnelle des mandats et nous l’avons respectée avec constance au Nigeria. Nous avons vu l’impact corrosif sur les valeurs lorsque des dirigeants, à l’étranger, cherchent à changer les règles pour rester au pouvoir.
“En effet, nous nous préparons actuellement à des élections générales au Nigeria en février prochain. Lors de la 78e AGNU, un nouveau visage s’exprimera à cette tribune au nom du Nigeria.
“Notre pays est vaste et fort de sa diversité et de ses valeurs communes : travail acharné, foi durable et sens de la communauté.
“Nous avons beaucoup investi pour renforcer notre cadre pour des élections libres et équitables. Je remercie nos partenaires pour tout le soutien qu’ils ont apporté à nos institutions électorales.
“En tant que président, je me suis fixé comme objectif que l’un des héritages durables que j’aimerais laisser est d’ancrer un processus d’élections libres, équitables, transparentes et crédibles grâce auquel les Nigérians élisent les dirigeants de leur choix.”
Soutenir la démocratie
Soulignant le soutien à la démocratie dans la sous-région, le président Buhari a révélé qu’en Gambie, le Nigeria a contribué à garantir la première transition démocratique depuis l’indépendance et a soutenu le gouvernement démocratiquement élu de la Guinée-Bissau lorsqu’il a été confronté à une mutinerie.
Il a ajouté qu’après la mort tragique du président tchadien Idris Deby Itno sur le champ de bataille, le Nigeria a uni ses forces à celles de ses autres voisins et partenaires internationaux pour stabiliser le pays et encourager la transition pacifique vers la démocratie, un processus qui se poursuit.
“La démocratie est une idée qui traverse le temps et les frontières. Certes, la démocratie a ses limites.
“Les roues de la démocratie tournent lentement. Elle peut exiger des compromis qui diluent les décisions.
“Parfois, elle se plie trop à des intérêts particuliers qui exercent une influence, pas toujours pour le bien général, d’une manière disproportionnée par rapport à leur nombre.
“Mais d’après mon expérience, une culture démocratique confère à un gouvernement la légitimité dont il a besoin pour apporter des changements positifs”, a-t-il lancé.
Rappelant que la première fois qu’il aurait pu s’adresser à l’Assemblée, c’était en 1984, en tant que chef d’État militaire du Nigeria, le président Buhari a avoué que c’était un grand privilège de s’adresser personnellement à l’Assemblée, trente et un ans plus tard, en 2015, “en tant que président démocratiquement élu de mon pays.”
“Pendant que j’approche la fin de mon deuxième et dernier mandat de quatre ans, je me souviens de tout ce qui a changé au Nigeria, en Afrique et dans le monde, et pourtant, de tous les défis qui subsistent”, a-t-il rappelé dans son discours, qui a également porté sur des questions internationales urgentes, notamment les conséquences de la guerre en Ukraine, le changement climatique, l’utilisation maligne de la technologie, la suspension du service de la dette, entre autres.
Concernant la guerre en Ukraine, le dirigeant nigérian a averti que le danger d’escalade justifie davantage les appels résolus du Nigeria en faveur d’un monde sans nucléaire et d’un traité universel sur le commerce des armes, qui sont des mesures nécessaires pour prévenir les catastrophes humaines mondiales.
Il a demandé que les dirigeants mondiaux trouvent rapidement les moyens de parvenir à un consensus sur le traité de non-prolifération nucléaire et sur les engagements connexes des États dotés d’armes nucléaires.
La guerre, selon lui, aurait des conséquences négatives pour tous, entravant la capacité de la communauté internationale à travailler ensemble pour résoudre les conflits ailleurs, notamment en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie :
“En effet, la guerre en cours en Ukraine rend plus difficile la résolution des questions pérennes qui figurent chaque année dans les délibérations de cette Assemblée, comme le désarmement nucléaire, le droit des réfugiés rohingyas à rentrer chez eux au Myanmar, et les aspirations légitimes des Palestiniens à un État et à la réduction des inégalités au sein des nations et entre elles.”
Défis
Dans le contexte des défis qui ont été mis en évidence ces dernières années et ces derniers mois, le président Buhari a souligné l’appel lancé par le Nigeria et de nombreux autres États membres en faveur de la réforme du Conseil de sécurité et d’autres agences de l’ONU, en déclarant : ” Lechangement est attendu depuis longtemps “.
“Nous avons besoin de structures plus efficaces et plus représentatives pour répondre aux demandes d’aujourd’hui qui ont depuis dépassé un système conçu pour le monde très différent qui prévalait lors de sa fondation en 1945.”
En ce qui concerne l’utilisation de la technologie, le président Buhari a attiré l’attention sur l’usage des médias sociaux pour diffuser des discours de haine et des informations qui divisent, exhortant les dirigeants du monde qu’en faisant face à ces défis, ils doivent se rassembler pour défendre la liberté d’expression et maintenir d’autres valeurs qu’ils chérissent.
“Nous devons continuer à œuvrer en faveur d’une norme commune qui concilie droits et responsabilités afin de protéger les plus vulnérables et de contribuer à renforcer et à enrichir les communautés.
“Les efforts visant à protéger les communautés du fléau de la désinformation et de la mésinformation doivent également aller de pair avec des efforts visant à réduire les inégalités et à redonner de l’espoir aux plus pauvres et aux plus vulnérables de nos communautés afin d’endiguer les nombreux facteurs de conflit socio-économique auxquels nous sommes confrontés”, a-t-il plaidé.
Le président a affirmé que, si les médias sociaux sont utiles pour renforcer les fondements de la société et les valeurs communes, ils constituent, dans le pire des cas, une version numérique corrosive de la foule, hérissée d’intolérance et de division.
L’une des principales caractéristiques de la dernière décennie; a-t-il noté, a été le partenariat croissant entre les États et des acteurs non étatiques de plus en plus influents.
“Il fut un temps où l’événement le plus important de cette Assemblée était le discours des dirigeants les plus puissants au monde.
“Désormais, un tweet ou un post Instagram d’un influenceur sur des questions sociales ou environnementales peut avoir un impact plus important.
“Lorsque j’ai débuté mon mandat de président en 2015, des distinctions ont été établies entre l’expérience des pays plus pauvres et ceux apparemment plus aptes à gérer l’avalanche d’informations non filtrées.
“Le Nigeria a eu de nombreuses expériences peu recommandables avec les discours de haine et la désinformation qui divise. De plus en plus, nous constatons également que de nombreux pays sont confrontés au même problème. Il est clair que les données ne connaissent pas de frontières”, a-t-il évoqué.
Annulation de la dette
Le président Buhari a également appelé à l’annulation pure et simple de la dette des pays en développement confrontés aux plus graves problèmes budgétaires et de liquidités.
Selon lui, les défis multiformes auxquels sont confrontés la plupart des pays en développement ont étranglé leur marge de manœuvre budgétaire, justifiant la nécessité de s’attaquer au fardeau d’une dette extérieure insoutenable par un engagement mondial en faveur de l’expansion et de l’extension de l’initiative de suspension du service de la dette, ainsi que par l’annulation pure et simple de la dette.
En ce qui concerne le changement climatique, le président Buhari s’est dit préoccupé par le fait que l’Afrique et d’autres pays en développement, qui ne produisent qu’une faible proportion des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux économies industrielles, sont les plus durement touchés par ses conséquences, comme en témoignent les sécheresses prolongées en Somalie et les inondations d’une gravité sans précédent au Pakistan.
“Ces phénomènes, ainsi que d’autres liés au climat, sont malheureusement en train de devenir monnaie courante dans le monde en développement. En fait, nous payons littéralement le prix des politiques menées par d’autres. Il faut que cela change.”
Le responsable nigérian a martelé : “Lors de la Cop 26 à Glasgow l’année dernière, j’ai effectivement dit que le Nigeria ne demandait pas la permission de faire les mêmes erreurs que les autres en créant l’urgence climatique.
“Heureusement, nous savons maintenant ce que nous pouvons faire pour atténuer les effets de la crise climatique et le défi énergétique qui en découle. Dans un premier temps, nous devons tous nous engager à débloquer les financements et les technologies nécessaires pour créer un cadre stable et abordable pour la transition énergétique.
“Les institutions financières de développement doivent donner la priorité à la réduction des risques liés aux projets énergétiques afin d’améliorer l’accès des projets renouvelables aux facilités de crédit. Aucun pays ne doit être “laissé pour compte” dans cette équation.
“La flambée des coûts de l’énergie dans le monde est, en partie, le produit des conflits et des ruptures d’approvisionnement en Europe et en Amérique.”
Le président a insisté sur le fait que le Nigeria attend de l’AGNU 77 et de la COP 27 à venir qu’elles contribuent à galvaniser la volonté politique nécessaire à la mise en œuvre des diverses initiatives existantes en matière de changement climatique.
En conclusion de son discours depuis le “fameux podium”, le président a transmis sa dernière réflexion à l’organe mondial, exhortant les dirigeants à défendre les valeurs de justice, d’honneur et d’intégrité, entre autres.
“Nous vivons une époque extraordinaire, avec des défis interdépendants mais d’énormes opportunités. Le rythme du changement peut sembler déconcertant, avec parfois un sentiment palpable et troublant d’incertitude quant à notre avenir.
“Mais si mes années dans le service public m’ont appris quelque chose, c’est que nous devons garder foi dans les valeurs qui perdurent.
“Celles-ci comprennent, sans s’y limiter, des valeurs telles que la justice, l’honneur, l’intégrité, l’effort incessant et le partenariat au sein des nations et entre elles.
“Nos moments les plus forts ont toujours été ceux où nous sommes restés fidèles aux principes fondamentaux de tolérance, de communauté et d’engagement permanent en faveur de la paix et de la bonne volonté envers tous.”